Mariage à Mahdia, et nulle part ailleurs


Mariage à Mahdia, et nulle part ailleurs





Le mariage, autant qu’une fête, constitue une véritable démonstration esthétique. (…) Pas une Mahdoise n’accepterait, pour le plus beau jour de sa vie, d’occulter la magnifique cérémonie que célèbre la tradition.
Car à Mahdia, ville où les tisserands tissent les plus belles soies, où les brodeuses ont les mains les plus habiles, où les bijoutiers se sont forgé une réputation qui a franchi les frontières, le mariage, autant qu’une fête, constitue une véritable démonstration esthétique. (…)






La henna est le grand moment des cérémonies des mariages. La vraie fête, en réalité. Les générations précédentes, plus courageuses — ou plus festives — la déclinaient en trois temps : la petite, la moyenne et la grande henna. Seule cette dernière demeure en ces temps où l’on simplifie, tout en gardant le respect des choses importantes. Et rien, à Mahdia, n’est plus important qu’une henna. Dans les patios aux murs lambrissés de céramiques multicolores, on dresse l’assise pour la fiancée, la cerne de fleurs, la tapisse de tissus précieux, l’éclair de projecteurs puissants. Elle, parée comme une icône — et rien n’est plus beau que les costumes d’apparat de Mahdia — a, paradoxalement, le visage nu et les cheveux, ouverts d’un foulard brodé. Ce n’est que plus tard qu’elle sera maquillée.
A ses pieds sur des estrades de bois, les jeunes filles à marier, reconnaissables en ce qu’elles arborent le costume traditionnel, elles, sont néanmoins cheveux nu et sans coiffe.
Devant elle, en cercle fermé, les machtates, ces redoutables musiciennes à la voix rauque, dont le répertoire séculaire tisse les alliances de la ville et qui connaissent la «nouba» de chacune. Au sein de ce cercle magique, un canoun pour chauffer la peau tendue du tar et de la darbouka, et bien sûr, le panier à rchouk où chacune offre son obole, en tenant une soigneuse comptabilité des présents passés, scrupuleusement ajustés au cours du jour.
Et puis, les assistantes, au premier rang desquels, en ordre de présence, celles qui ont fait l’effort d’arborer le costume d’apparat, même par grande chaleur. Les austères, celles qui ne sont pas mzaïnines, quand bien même elles seraient habillées par Dior lui-même, sont reléguées au deuxième rang.
Le temps que les machtates trouvent leur rythme, leur mémoire, leur tempo, que chacune danse sa nouba préférée, que circulent les boissons, les gâteaux, que s’habille et se pare, puis sorte la mariée, rarement Hanna s’achève avant le petit matin. (…) Le marié invite ses amis et parents à se faire raser et coiffer chez lui par le barbier du quartier. Superbe dans sa kachta immaculée, il trône au café — ou au Nadi emblématique pour les fils des membres de ce club privé qui est le plus ancien, mais aussi le plus fermé de Tunisie —, on l’entoure, on l’éclaire de lanternes, on lui donne aubade. Puis tout le cortège se met en branle pour l’accompagner. Lui est hiératique et ne doit jamais sourire. Ses amis, ses parents chantent et dansent tout le long du parcours, chants sacrés, danses rythmées qui s’arrêtent sur le pas de la porte.




La mariée — quant à elle, somptueusement parée du costume de mariage, si brodé d’or qu’il en remonte à la nuit des temps et qu’elle rendait hommage à Tanit la déesse-mère, se tient debout — s’est montrée à sa famille, ses voisins, au cours de la jelloua.
Puis la famille du marié est venue la chercher. De nouveau, elle a effectué cette espèce de danse immobile dont on dit qu’elle remonte à la nuit des temps et qu’elle rendait hommage à Tanit la déesse-mère.
Elle attend. L’époux arrive. Le mariage est terminé ou presque.
Il reste le lendemain. Le sbah ou matin qui, en fait, se célèbre l’après-midi pour la nouvelle épouse.
Les machtates reviennent chanter leurs mélopées qui invoquent les saintes tutélaires, Oum Ezzin ou Lella Bahria. On invite les voisins à goûter au couscous et aux gâteaux envoyés par la famille de la mariée dans les mthered.
La fête est calme, apaisée, le mariage sera heureux.
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